Textes des chansons de Claude ( lettre U à Z ) 17 titres


UN ECUREUIL A CENTRAL PARK

Année:  1987 - Album : Nougayork

Comédie musicale en trois actes et dix sept tableaux
Décor: Un châtaignier de Central Park
Coco Bel Œil soupire après Gerbe de feu, la belle écureuille:

"Je bande dessinée pour une jeune écureuille
qui me snobe un peu en m'roulant de l'œil
mais oh! là là, oh! là là ma jolie
je ne suis pas Disney de la dernière pluie
moi c'est du sérieux
et d'abord vise ma queue
quel panache!
Et que penses tu de mes moustaches?
belle Gerbe de Feu,
et que dis tu de mes noisettes?

y en a pas trois, y en a que deux
pointure fillette
c'est le nectar de Central Park
Gerbe de Feu, ma Jeanne d'Arc
je serai ton Robin des Bois
que tu le veuilles ou pas"
Gerbe de Feu, l'écureuille:
"Casse toi, dit l'écureuille
Coco Bel Œil dégage
t'es qu'un blaireau à barbe
Coco Bel Œil casse toi
mais oh! là là, oh! là là, oh! là là
j'rêve ou quoi?
on dirait qu't'es sorti
d'un cartoon d'Tex Avery
Moi, je mouille pour une mouette

qui t'a une autre silhouette
c'est une mouette poète
Elle perche au sommet de l'Empire State Building
tu vois l'standing
ascenseur particulier
je te laisse à tes châtaigniers
oh! là là!
Quand ma mouette descend du ciel
on dirait Superman
Elle me prend sous son aile
et l'on survole Manhattan
en s'roulant des pelles
Hou! là là, hou! là là"
Deuxième acte. Même décor sous la lune.
Rongé de jalousie
Coco Bel Œil se mite

Dans Central Park la nuit
les carottes sont cuites
"ah! là là ah! là là
quel affront!
l'épouvantable garce!
Ah! si j'étais King Kong
ah! oui si j'étais King Kong, King Kong
je grimperais sur la terrasse
de son gratte ciel à la Cong
King Kong King Kong
pour lui cueillir à ma manière
un p'tit bouquet d'hélicoptères
hou! là là, hou! là là"
Troisième acte.
Or l'enchanteur, le magicien de Central Park, Merlin le Noir

passait par là. Il entendit cette supplique
et d'un coup de sa canne magique, il l'exauça
Et nous retrouvons au final
de cette comédie musicale
Coco Bel Œil, Gerbe de Feu
trinquant un drink ou deux
là haut, en haut des nues
de la Cinquième Avenue
oh! là là, oh! là là
Gerbe de Feu est tout émue
oh! là là
et depuis
elle me fait mouette mouette
je lui fais mouette mouette
on se fait mouette mouette
et puis ça y est...

 

Paroles de Claude NOUGARO
Musique de Claude NOUGARO, Philippe SAISSE
© LES EDITIONS DU CHIFFRE NEUF,

SEN SAISSE TIONAL MUSIC - 1987

UN JOUR TU VERRAS

Un jour, tu verras, on se rencontrera,
Quelque part, n'importe où, guidés par le hasard,
Nous nous regarderons et nous nous sourirons,
Et , la main dans la main, par les rues nous irons.
Le temps passe si vite, le soir cachera bien nos coeurs,
Ces deux voleurs qui gardent leur bonheur ;
Puis nous arriverons sur une place grise
Où les pavés seront doux à nos âmes grises.
Il y aura un bal, très pauvre et très banal,
Sous un ciel plein de brume et de mélancolie.
Un aveugle jouera de l'orgu' de Barbarie
Cet air sera pour nous le plu beau, l'plus joli !
Moi, je t'inviterai, la taille, je prendrai
Nous danserons tranquill' loin des gens de la ville,
Nous danserons l'amour, les yeux au fond des yeux
Vers une nuit profonde, vers une fin du monde.
Un jour, tu verras, on se rencontrera,
Quelque part, n'importe où, guidés par le hasard,
Nous nous regarderons et nous nous sourirons,
Et , la main dans la main, par les rues nous irons.
Le temps passe si vite, le soir cachera bien nos coeurs,
Ces deux voleurs qui gardent leur bonheur ;
Puis nous arriverons sur une place grise
Où les pavés seront doux à nos âmes grises.
Il y aura un bal, très pauvre et très banal,

Sous un ciel plein de brume et de mélancolie.
Un aveugle jouera de l'orgu' de Barbarie
Cet air sera pour nous le plu beau, l'plus joli !

 

Auteurs: Marcel Mouloudji

Compositeurs: Georges-Eugene Van Parys

Editeurs: Les Nouvelles Editions Meridian

UN ETE

Un étéOù je venais d'atteindre mes quatorze ansJ'avais donné rendez-vous à une enfantUne petite Espagnole du quartierUn étéPar la fenêtre ouverte de la villaJe guettais l'arrivée de ma PaquitaEt puis quand à la grille du jardinetLa cloche a carillonnéJe me suis soudain jeté à plat ventreLa joue clouée au plancher de ma chambreTremblant, roulant des yeux épouvantés
Oh non, nonJ'entendis ma grand-mère crier mon nomEt j'attendis dans une terreur sans nomQu'on me mît en présence de l'étéEt l'étéL'était là, debout, au milieu de ma chambreSous la jupette jaune brunissait l'or des jambes
Et le blanc de ses yeux brillait comme du laitIl fait chaud cet étéL'été était muet, alors on est sortisEt nous avons marché sur la route rôtieBrûlants comme des rails, parallèles, on allait
Un étéNous marchions côte à côte, sans nous parlerLes maisons avaient fermé tous leurs voletsEt parfois l'un de nos doigts se frôlaitUn étéMes tempes battaient dans le ciel d'incendieEt je me disais: "Qu'est-ce que je lui dis?"Je ne trouvais rien qu'à me trouver malEt quand nous fûmes au canalDevant le pont où passe une eau maladeJ'ai touché la main à ma camaradeEt lui tournant le dos, j'ai galopéGalopéLoin de la jupe jaune et du visage d'ambreJ'ai couru comme un forcené vers ma chambreLe cœur craquant des cendres de l'été

 

 

Paroliers : Bruno Brighetti / Bruno Martino

Paroles de Un été

© DistroKid, Universal Music Publishing Group, Warner Chappell Music, Inc



UNE BOUTEILLE A LA MER

Je lance une bouteille à la mer,
Messageries maritimes
Je lance une bouteille à la mer,
une bouteille de gin
La bouteille, je l'ai bue
et mon divan chavire
Je lance une bouteille à la mer...
Hic!
Dans la bouteille j'ai mis
un message de détresse
un papier où j'ai écrit:
S.. O.. Hic!
Et j' l'ai lancée à babord
de mon divan qui tangue...
Je lance une bouteille à la mort

Hop!
Je lance deux bouteilles à la mer,
Messageries maritimes
Si la première se perd,
la deuxième j'imagine,
ira au gré des flots verts
en Amer... hic!
À moins qu'elle n'aille à l'envers
Bof!
Et puis tiens! je me lance à la mer,
Messageries posthumes
Et puis tiens! je me lance à la mer...tume
Je termine mon histoire
d'alcool... hic!
La mer, c'est pas la mer à boire...
Plouf!

 

Paroles de Claude NOUGARO
Musique de Claude NOUGARO, Maurice VANDER
© EMI MUSIC PUBLISHING FRANCE,

LES EDITIONS DU CHIFFRE NEUF - 1991

UNE PETITE FILLE

Une petite fille en pleurs
Dans une ville en pluie
Et moi qui cours après
Et moi qui cours après au milieu de la nuit
Mais qu´est-ce que je lui ai fait ?
Une petite idiote qui me joue la grande scène
De la femme délaissée
Et qui veut me faire croire qu´elle va se noyer!
C´est de quel côté la Seine?
Mais qu'est-ce que je lui ai fait ?
Mais qu'est-ce qu´elle me reproche ?
Mais qu'est-ce qui lui a pris ?
Lorsque je l'ai trompée, elle l'a jamais appris
C´est pas elle qui s'approche ?
Tu m'aimes vraiment dis-moi
Tu m'aimes, tu m'aimes, tu m'aimes,

 

C´est tout ce qu'elle sait dire
En bouffant, en m´rasant,
Quand je voudrais dormir
Faut lui dire que je l´aime !

Une petite fille en pleurs dans une ville en pluie
Où est-elle Nom de Dieu !
Elle a dû remonter par la rue de Rivoli
J´ai de la flotte plein les yeux
Parce qu'elle avait rêvé je ne sais quel amour
Absolu, éternel
Il faudrait ne penser, n´exister que pour elle
Chaque nuit, chaque jour
Voilà ce qu'elle voudrait. Seulement y a la vie
Seulement y a le temps
Et le moment fatal où le vilain mari
Tue le prince charmant

 

L´amour, son bel amour, il ne vaut pas bien cher
Contre un calendrier
Le battement de son cœur, la douceur de sa chair...
Je les ai oubliés.
Où donc est-elle partie?
Voilà qu´il pleut des cordes
Mon Dieu regardez-moi
Me voilà comme un con, place de la Concorde!
Ça y est, je la vois
Attends-moi!
Attends-moi!
Je t´aime !
Je t´aime !
Je t´aime !

 

Paroles de Claude NOUGARO
Musique de Jacques DATIN
© LES EDITIONS DU CHIFFRE NEUF - 1962

UNE RIVIERE DES CORBIERES

On l'appelle le Verdouble
La rivière qui déroule
Ses méandres sur les pierres
La rivière des hautes Corbières
Toi le pêcheur en eau trouble
Elle n'est pas faite pour toi
Le moindre poisson te double
Et te glisse entre les doigts
Mais si tu aimes la chanson
De son hameçon
Si tu aimes le son, le son de son âme
Elle te servira comme un échanson
Les flots fous, les flots flous
De ses fraîches flammes
Il scintille le Verdouble

Mais le cours de son argent
Ni les dollars ni les roubles
Ne te le paieront comptant
Pas la peine que tu te mouilles
À percer ses coffres-forts
C'est dans l'œil de ses grenouilles
Que sont ses pépites d'or
Mais tu seras riche à millions
De ronds dans l'eau
Il suffit d\'un plongeon d\'une gente dame
Et si tu bois le bouillon, pars à vau-l'eau
Noyé dans un baiser
Ce n'est pas un drame
Ô, ô mon eau, ma belle eau, ma bonne eau
Fais-moi flotter en haut de ta divine ronde
Ô ô ô, ô mon eau, radieuse radio
Passe-moi en canot stéréo sur tes ondes

Dans les gorges du Verdouble
Sur un lit de cailloux blancs
J'ai composé ces vers doubles
Que j'espère ressemblants
Si aux eaux de mon Verdouble
Tu préfères l'océan
C'est facile, tu les ouble
Tu les oublies simplement

 

Paroles de Claude NOUGARO
Musique de Laurent VERNEREY
© LES EDITIONS DU CHIFFRE NEUF - 1997


Lettre : V


VACHEMENT DECONTRACTE 

N'croyez pas que j'fasse de l'anémie
D'la décalcification, non
Ça s'rait plutôt d'la philosophie
Si j'suis en toutes occasions
Vachement décontracté
Vachement pas énervé
Ça n'm'empêche pas d'avoir le cœur d'un homme d'action
J'fais la queue pour les westerns
Et bercé par les détonations
J'm'en vais quand l'cinéma ferme
Vachement décontracté
Vachement pas énervé
Y a rien qu'Lulu qui peut s'vanter

D'm'avoir perturbé l'organisme
Quand je l'ai vue si bien roulée
C'fut comme un typhon, un séisme
J'vous assure que l'choc a fait du bruit
Lulu j'l'avais dans la peau
Mais l'soir de la quatorzième nuit
J'me suis senti de nouveau
Vachement décontracté
Vachement pas énervé
Lulu et moi on s'est quittés
Et j'ai repris ma vie tranquille
Tant qu'j'ai un toit
Et d'quoi croûter
J'vois pas pourquoi
J'm'ferais d'la bile
N'croyez pas que j'fasse de l'anémie

Un restant de puberté
Ça s'rait plutôt d'la philosophie
Si je suis vachement décontracté

 

Paroles de Claude NOUGARO
Musique de Michel LEGRAND
© WARNER CHAPPELL MUSIC FRANCE,

LES EDITIONS DU CHIFFRE NEUF - 1959

VENISE

Connaissez vous Venise
Il paraît qu'on y va
En voyage de noces
Pour se faire des bises
Et tout un cinéma
Avant qu'un premier gosse
Vous tombe sur les bras
Viens, je t'invite à Venise
En dépit des crises
Sur le grand canal
En vaporetto
C'est jamais trop tôt
Pour se faire un lit nuptial
Viens, je t'emmène à Venise
Et malgré la bise

Qui souffle pas mal
Ce mois de novembre
Ta bouche est si tendre
Que j'en oublie mon mal
La ronde des palais
Tourne sur la lagune
Tandis qu'en nos palais
Nos langues n'en font qu'une
Vois, nous marchons dans Venise
Sa vérité brise
Les cartes postales
La place Saint Marc
Déploie tous les arcs
Du palais ducal
Connaissez vous Venise
Et ses charmants repas
Quand on mange les prunelles

D'une femme conquise
À moins qu'on vous rappelle
Que Venise s'enlise,
Que Venise se noie mais
Viens, je t'invite à Venise
Tant que s'éternise
Un peu d'avenir
Encore une fois
Croisons nous les doigts
Sous le pont des Soupirs
La ronde des palais
Tourne sur la lagune
Tandis qu'en nos palais
Nos langues n'en font qu'une
Viens, on s'arrache de Venise
Un corbillard glisse
Sur l'eau ondulée

Réglons l'addition
Réglons et partons
Sur des notes salées
Un vol de mouettes
S'enfuie sur nos têtes
Vers un lion ailé...

 

Paroles de Claude NOUGARO
Musique de Aldo ROMANO
© LES EDITIONS DU CHIFFRE NEUF

VERMIFUGE LUNE

Vermifuge Vermifuge
Vermifuge Lune
Vermifuge Vermifuge
Vermifuge Lune
Est ce à cause de ce "ver"
Mi refuge, mi lunaire
Que tu chantes sous ma plume
Vermifuge Lune
Vermifuge Vermifuge
Vermifuge Lune
Tes syllabes une à une
Ce soir se rallument
Dans ton sirop enfantin
Se réveillent des matins
Que j'aurais bien crus posthumes

Vermifuge Lune
Vermifuge Vermifuge
Vermifuge Lune
Tu ranimes, tu exhumes
Presque sans lacune
Des jours qui s'étaient éteints
Et les fraises d'un jardin
Et l'eau d'un puits que nous bûmes
Vermifuge Lune
Vermifuge Vermifuge
Vermifuge Lune
Ton nom chante sous ma plume
Vermifuge Lune
Depuis, j'ai fait d'autres vers
Plus ou moins purs ou pervers
Pour la blonde et pour la brune

Vermifuge Lune
Vermifuge Vermifuge
Vermifuge Lune
Sois encore le refuge
Où chacun chacune
Nous puissions toujours goûter
La lune de miel enchantée
De notre enfance commune
Vermifuge Lune

 

Paroles de Claude NOUGARO
Musique de Claude NOUGARO
© LES EDITIONS DU CHIFFRE NEUF


VERY NICE

Nice very nice disent les vagues aux galets
En glissant le long d'la prom'nade des Anglais
Nice very nice Nice
Et moi sur la plage de ta peau réglisse
Face à la mer fleurie de lis
Je t'ai dit tout bas comme pour faire un bis
Nice very nice very Nice
Et Nice dans la nuit a glissé son collier
De perles sur le cou d'la Méditerranée
Nice very nice Nice
Et moi j'ai osé un baiser qui glisse
De ton épaule à ta joue lisse
Un premier baiser puis deux et puis dix

Des roses et des bleus, tout un feu d'artifice
Nice very nice, very Nice

 

Paroles de Claude NOUGARO
Musique de Bernard ARCADIO
© LES EDITIONS DU CHIFFRE NEUF

VICTOR

Après râles et cris et terribles efforts
Des cuisses écartées émergea une tête.
Énorme cette tête, bientôt suivie du corps...
Bien malingre ce corps, bien proche du squelette
Le père aimait Hugo. Il prénomma Victor
Ce fils dont le destin défraya les gazettes:
Celui de l'homme à la cervelle d'or.
L'enfance s'écoula au royaume des bosses.
Victor se cognait partout.
Sur le torse chétif, cette tête trop grosse
Basculait tout à coup,
Le marbre du perron, le pied de la console
Frappaient sur ce front balourd
Et les mains de maman sur ses genoux consolent
Le sanglotant tambour.

Voici l'été. Quinze ans. L'adolescence fière
Les rochers ocres, la mer...
Dans l'air étincelant, le garçon, par les pierres,
Bondit vers cette chair,
Cette chair qui chatoie, qui respire et murmure
Les versets de l'univers,
Mais voici le plongeon, voici la pierre dure,
Voici le crâne ouvert.
Le garçon vit encore. Lentement son bras bouge
Il atteint de ses doigts le sommet de son front
Il saisit quelque chose entre les cheveux rouges,
Comme un bout de métal, comme un grumeau de plomb
Mais ce n'est pas du plomb, le caillot étincelle
Et Victor le contemple, hagard, de ses yeux morts
Et soudain il comprend le poids de sa cervelle...
Sa cervelle ébréchée est faite d'un bloc d'or.

Dans le jour finissant, il rentrera chez lui.
À tous il cachera le caillot qui reluit.
Vingt ans. Il a vingt ans. Victor fait de l'escrime;
Ça fortifie ses jarrets.
Son fardeau cervical presque plus ne l'opprime.
Il le garde secret.
Son père disparu lui laissa sa fortune...
À nous les nuits de Paris!
Mais de femme auprès de lui, pas l'ombre d'une
Leur regard le meurtrit.
Victor n'aime que l'art, fréquente les poètes,
Pratique le mécénat.
Un soir dans un salon, un visage le fouette
Le visage d'Anna.
"C'est un diable masqué beaucoup plus qu'une femme

Lui ricane un écrivain
Si vous voulez chuter du plus haut de votre âme,
Anna est un ravin. "
L'invasion du désir vous transforme en désert.
Tout est vide excepté ce soleil qui vous brûle.
Blindez vous de refus, tel un rayon laser
La pulsion suraigüe vous crève comme bulle.
Victor s'est enfermé et devant un miroir,
Les yeux troués de fièvre, il penche de la tête;
Puis la redresse haut dans une aile d'espoir...
Il est riche! Avec l'or se forgent les conquêtes.
Une semaine après, la nuit inoubliable
Victor se sent un Dieu et couche avec le diable.
Après râles et cris, vertigineux transports,

Des cuisses écartées d'Anna, Victor s'arrache...
Il lui lèche le nez; ses orteils, il les mord,
De ses fauves cheveux se fait une moustache.
À bord d'un blanc voilier, de vieux port en vieux port,
Leur jeunesse dorée crépite sans relâche
Là bas, veille le coffre fort.
"Mon signe est le poisson, j'ai besoin de rivières,
Tu sais, celles en diamants"
Roucoule un jour Anna, enroulée comme lierre
Au tronc de son amant.
Le soir même apparaît dans l'écrin de soie verte
Un reptile irradieur.
Pour le lait de la peau les perles sont offertes,
Le rubis pour le cœur.

"Sois sage, ô ma douleur, et tiens toi plus tranquille"
Victor lit les "Fleurs du Mal".
"Une calme langueur enveloppe la ville...
Si nous allions au bal?
Ma puce tu m'ennuies avec ton Baudelaire.
Demain, demain tu liras."
Et chante le champagne! Et vogue la galère
Vers d'ardents baccaras!
Dix huit cent cinquante huit. Trottinant sous la bruine,
Un fiacre s'en revient. À l'intérieur, Victor.
Le notaire à lorgnon prononça le mot "ruine".
Un terme bien chinois pour un psychisme d'or.
"Eh bien, bonsoir Paris! La demeure en Gironde
Durant quelques saisons tous deux nous recevra.

D'ailleurs, il était temps de fuir un peu le monde.
Je pourrai composer mon livret d'opéra."
L'amoureuse se farde. On lui dit que l'or passe.
Le visage flambant se glace dans la glace.
Est ce bien de l'amour, l'amour du haïssable?
Vous ne valez plus rien, les mains vides d'écus.
L'écumante Vénus vous laisse sur le sable
Et s'en va, Dieu sait où, troquer son joli cul.
Est ce bien de l'amour, ce poison qui vous manque?
Ce cauchemar tordu dans la noirceur des draps?
Tournoie l'ange maudit. Son temple est une banque.
Vers l'horrible Jésus, Victor tend ses deux bras.
L'obsession se glissa par d'affreuses persiennes:
Le trésor enfoui dans la boîte crânienne.

Victor lâche, hoquetant, la bouteille de fine,
Tout flotte dans du violet.
Paupières, crispez vous et pincez vous, narines
Il saisit le piolet.
Il serre fortement l'instrument alpiniste,
L'orientant vers l'occiput,
Et l'abat comme un bœuf. Éclate la pépite
Qui asservit les putes.
Richesse, ton parfum, très vite ça se hume
De nouveau, chez Victor, les lustres se rallument.
Parée de repentirs revient la courtisane...
Nouvelle lune... de fiel.
Lorsque la fille boude, on se creuse le crâne
Sort le minéral miel.
La folie du marteau trépane un dernier lobe,

Racle les derniers éclats.
Anna est repartie avec sa garde robe...
Pour Victor, elle est là,
Elle est là
Elle est là
"Anna, Anna, Anna ma chère
Anna sois bonne pour un soir...
Ma tête est vide... mais tu vas voir
Dans un tiroir du secrétaire
J'ai l'or le plus pur de la terre...
Mon trésor secret... ma misère
J'avais quinze ans... la mer... la pierre...
Viens, c'est à toi, je te le donne
Anna, Anna..."
Le cadavre béant gît au pied du fantôme
Le caillot de jadis rayonne dans la paume

 

Paroles de Claude NOUGARO
Musique de Claude NOUGARO, Maurice VANDER
© LES EDITIONS DU CHIFFRE NEUF

VIEILLESSE

Je te vois venir vieillesse
Avec tes vieux ressorts grincheux
Là, tu m'arraches les cheveux
Ici, une dent de sagesse
Au lieu de m'en donner un peu
De sagesse de sagesse
Je te vois venir vieillesse
Me voici des tiens
Irrésistible maîtresse
À la pointe du chemin
Tu vois, je te rejoins
Donne moi la canne de tes hanches
Et ma belle barbe du dimanche
Bien blanche bien blanche
Je te vois venir, prêtresse
Annonciatrice des adieux
Quand j'étais môme, j'aimais les vieux
Leurs yeux avaient une tendresse...
Tâche de m'en donner un peu
De tendresse de tendresse
Je t'attendrirai vieillesse
Tu peux t'avancer
Crépusculaire princesse
Ma dernière fiancée
Enfantine vieillesse
Fais couler mon vin de palme
Au jeune matin qui plane
Clair
Pur
Et calme
Clair

Pur
Calme

 

Paroles de Claude NOUGARO
Musique de Bernard LUBAT
© LES EDITIONS DU CHIFFRE NEUF


VIE VIOLENCE

Vie violence ça va de pair
Les deux se balancent paradis enfer
Vie violence chair contre chair
Dansent les cadences d'un tango pervers
Allez viens qu'on s'y frotte
Ma colombe, ma cocotte
Si la vallée sanglote
Buvons des larmes
Vie violence ça va de pair
Amour et souffrance jouent au bras de fer
La terre et l'eau l'air et le feu
Forment un complot ça saute aux yeux
Sadomasos faits pour la pelle

Les anges là-haut tu t'en rappelles
Et les enfants en tourbillon
Dans un ballet de papillons
La vraie vie, la belle
Allez viens qu'on s'y frotte
Ma colombe, ma cocotte
Tes vallées ont des charmes
Valant des larmes
Vie violence ça va de pair
Les deux se balancent paradis enfer
Vie vie oh lance lance-moi ton feu
Brûle-moi d'innocence
Je suis bon, nom de Dieu !

 

Paroles de Claude NOUGARO
Musique de Richard GALLIANO
© LES EDITIONS DU CHIFFRE NEUF

VIEUX VIENNE

Toutes les musiques sont bénies
D'où qu'elles viennent, quels que soient leurs nids
Elles appartiennent à l'âme humaine
C'est un Viennois qui me l'a dit
Et ce soir, j'ai la veine autrichienne sur cette mélodie...
Ah ! que vienne que vienne que vienne une valse de Vienne
Vienne une chose toute rose qui ose dire aérienne
Dans un frisson délicieux
Des mots d'amour à l'ancienne
Ah ! que vienne que vienne que vienne une valse de Vienne
Un Pleyel plein de ciel trinquant, tchin! à la tienne

Les trois temps d'un temps grisant qui nous maintienne
Noyés jusqu'au fond des yeux
Par une passion diluvienne
Ah ! que vienne que vienne une valse de Vienne
Ah ! que vienne que vienne que vienne une valse de Vienne
Vienne comme dit Arthur un temps dont on s'éprenne
Vienne un grand bal bacchanale
Une ronde ravélienne
Ah ! que vienne que vienne que vienne une valse de Vienne
Un bouchon d'champagne à faire péter les peines
Un grand vent d'violons violents qui désenchaîne
Un orage très précieux
Plein de foudre musicienne

Ah ! que vienne que vienne une valse de Vienne
Noyés jusqu'au fond des yeux
Par une passion diluvienne
Ah ! que vienne que vienne une valse de Vienne

 

Paroles de Claude NOUGARO
Musique de Fred FREED
© LES EDITIONS DU CHIFFRE NEUF

VISITEUR

Passe, passe dans la vie en visiteur
C'est beau, applaudis c'est laid, passe ailleurs
Passe sans que tes pas blessent une fleur
Le ciel te le rendra passe en douceur
Les parfums de la terre, les couleurs de l'eau, l'or de l'été
On est prié d'laisser les lieux dans l'état où ils étaient
Passe, passe dans la vie en visiteur
Vois, vois c'est ta vie, sois aussi créateur
Oui, crée, ne fût ce qu'un cri

Et saigne en seigneur
Les parfums de la terre, les couleurs de l'eau, l'or de l'été
On est prié de laisser les lieux dans l'état où ils étaient

 

 

Paroles de Claude NOUGARO
Musique de Aldo ROMANO
© LES EDITIONS DU CHIFFRE NEUF, SALHANI JEAN MARIE EDITIONS


VIVE L'ALEXANDRIN

Année : 1989 - Album : Pacifique

Moi, ma langue, c'est ma vraie Patrie
Et ma langue, c'est la Française,
Quand on dit qu'elle manque de batterie
C'est des mensonges, des foutaises.
Ceux qui veulent lui casser les reins
Je leur braque mes alexandrins
Vive l'alexandrin !
La bête aux douze pieds qui marche sur la tête
Vive l'alexandrin !
Le ring du poids des mots, la boxe des poètes
L'alexandrin, l'alexandrin !
Moi, ma langue, je l'ai retournée
Plus de sept fois dans ma bouche
J'admets qu'elle est très dure à cracher

Flèche de miel ou cartouche.
L'intello lui zigouille les ailes,
Moi, je suis un intellectruelle.
Vive l'alexandrin !
Les cordes de Nerval, les orgues de Racine
Vive l'alexandrin !
Le grisou du génie dans un crayon à mine
Vive l'alexandrin !
Le grand marteau-piqueur adapté tout-terrain
L'alexandrin, l'alexandrin !
Lamartine, Baudelaire, Hugo
Audiberti, allez hue ! Go !
Vive l'alexandrin !
L'Homme est un Dieu tombé qui se souvient des cieux,

Vive l'alexandrin !
Et son histoire redouble en grinçant des essieux,
L'alexandrin, l'alexandrin !
Vive l'alexandrin !
Sois sage, ô ma douleur et tiens-toi plus tranquille.
Vive l'alexandrin !
Fais couler de mes yeux quelques larmes fertiles.
L'alexandrin, l'alexandrin,
Vive l'alexandrin !
Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes ?
Vive l'alexandrin !
La bête aux douze pieds qui marche sur la tête.

 

Paroles : Claude Nougaro

Musique : Claude Gaudette


Lettre : W


WESTERN

My God, my God, Dieu de la Bible,
Les femmes c'est quoi? c'est qui?
- Quelles soient cheyennes ou yankees
Elles sont la flèche et toi la cible...
De mon cheval à peine sorti
J'prenais un bain à Gold City
Cigare au bec, champagne en pogne
J'barbotais dans de l'eau d' Cologne
Quand la porte s'ouvrit soudain
Sur une rafale de satin
J'avais jamais dans une robe
Imaginé autant de globes...
La fille susurre : "Bonsoir, bandit!
Y avait longtemps que j't'attendis
Montre le moi, vas y, dégaine!

Fais moi sauter hors de ma gaine
Y a longtemps que j' me tords le cou
Pour apercevoir ton six coups..."
La fille était vraiment sensass
Comme au poker un carré d'as
Toutes dents dehors, je lui glisse:
"Puisque tu m'aimes, come on, miss!
J' commençais à trouver l'Ouest terne
Tu l' fais briller comme une lanterne
Et puisque mon arme te charme
Voici mon colt, tu m' désarmes
Mais manie le sans trop d' secousses,
J'en ai un autre sous la mousse
Je quitte parfois mes éperons,
Je quitte jamais mon ceinturon
Toujours quelqu'un veut m' déquiller
Alors j'me lave tout habillé, yeah!"

Moi qui suis né dans le Middlevex
Un pistolet à chaque index,
Moi qui fis feu des deux gâchettes
Du Texas au Machachuchette,
J'me suis r'trouvé devant l' pasteur,
Une étoil' d'or au fond du cœur,
Puis nous partîmes vers l'Ohio
Où je cultive un champ de fayots
Ma femme fait la tarte aux myrtilles,
J'élève mes gosses, garçons et filles
Aussi verdâtre qu'un billard,
Parfois, le croque mort vient me voir
Il dit contemplant mes récoltes:
"Pour moi, ça ne vaut pas ton colt..."
My God, My God, Dieu de la Bible...
Les femmes c'est quoi? c'est qui?

- Qu'elles soient cheyennes ou yankees
Elles sont la flèche et toi la cible

 

Paroles de Claude NOUGARO
Musique de Maurice VANDER
© EMI MUSIC PUBLISHING FRANCE, LES EDITIONS DU CHIFFRE NEUF